Mise à jour 2026 de la taxe foncière : attention aux « éléments de confort »

À compter de 2026, quelque 7,4 millions de propriétaires verront potentiellement leur taxe foncière augmenter. Cette majoration trouve son origine dans une mise à jour automatique des valeurs locatives cadastrales, laquelle repose sur la prise en compte de ce que l'administration qualifie « d'éléments de confort » dans les logements. Cette mesure devrait rapporter 466 millions d'euros supplémentaires par an aux collectivités locales, alors même que celles-ci n'ont formulé aucune demande en ce sens.

Quels « éléments de confort » sont concernés ?

La Direction générale des Finances publiques (DGFIP) va, sans intervention des propriétaires, procéder à une réévaluation d'office des équipements suivants : l'accès à l'eau courante, la présence d'une douche ou d'une baignoire, l'existence de WC, l'électricité, ainsi que le chauffage ou la climatisation.

Pour chacun de ces équipements, un ajout de mètres carrés fictifs est appliqué à la surface cadastrale du bien. Ainsi, les WC ajoutent 3 m², le chauffage ou la climatisation 2 m² par pièce équipée, le lavabo 3 m², la douche 4 m², la baignoire 5 m², l'électricité 2 m², et l'eau courante 4 m². La présence d'un lavabo est traduite en 3 mètres carrés supplémentaires, une baignoire équivaut à 5 m², l'électricité 2 m², l'eau courante 4 m².

Pourquoi cette révision ?

Le système des valeurs locatives cadastrales est basé sur des critères anciens, qui étaient pertinents à une époque où certains logements ne bénéficiaient pas encore systématiquement de l'eau courante, de WC ou d'électricité. Les bases foncières n'avaient pas été mises à jour depuis plusieurs décennies, à une période où ces équipements n'étaient pas systématiquement présents dans chaque logement.

Aujourd'hui, ces équipements sont devenus la norme dans la quasi-totalité des habitations. Les qualifier d'« éléments de confort » susceptibles d'entraîner une majoration fiscale pose donc question sur le plan de l'équité fiscale. Normalement, les propriétaires déclarent les travaux et l'ajout de ces éléments. Mais « des logements rénovés ont pu ne pas donner lieu à réévaluation au fil du temps malgré l'évolution des équipements », explique la Direction générale des finances publiques. C'est cette absence de déclaration qui justifie, selon l'administration, cette mise à jour automatique des fichiers.

Quelle ampleur pour la hausse ?

En moyenne, cette révision automatique entraîne une augmentation de l'ordre de 63 € pour le montant de la taxe foncière, pour les 7,4 millions de logements concernés. Cependant, des disparités géographiques importantes sont à noter : en Haute-Corse, plus de 60 % des habitations vont être réévaluées. En Corse-du-Sud, ce sont 45 % des logements qui seront touchés.

7,4 millions de logements sont concernés par cette modification. Cela représente 25 % des maisons et 15 % des appartements de métropole. Sur les 32 millions de propriétaires payant actuellement la taxe foncière, environ 10 % du parc immobilier soumis à l'impôt sera donc affecté par cette révision.

Un contexte politique tendu

L'annonce de cette mesure, révélée par Le Parisien mardi 18 novembre 2025, a déclenché un tollé politique sans précédent. Jordan Bardella, président du Rassemblement national, a déclaré : « Je déplore que les propriétaires soient devenus les vaches à lait du gouvernement » et a critiqué « la manière dont Bercy a essayé en catimini d'imposer cette mesure dans le dos de la représentation nationale ».

L'ensemble de l'échiquier politique s'est rapidement mobilisé contre cette hausse. Mathilde Panot, cheffe des députés insoumis, s'est opposée à ce qu'on prenne « encore une fois de l'argent dans la poche des Français et des Françaises » et à refuser « de faire contribuer les plus riches de ce pays ». L'ancien Premier ministre Gabriel Attal a plaidé pour « l'abandon » de cette hausse de taxe foncière.

Du côté des collectivités locales, André Laignel, premier vice-président délégué de l'Association des maires de France, estime que « le moment ne parait pas forcément le plus propice à étudier au fond un sujet de cette nature » alors que la mise à jour n'a fait l'objet « d'aucune demande de la part des collectivités ». David Lisnard, maire de Cannes et président de l'AMF, a également critiqué cette mesure, affirmant que « les impôts, il y en a trop ».

La réponse du gouvernement : consultation et point d'étape

Face à l'ampleur de la contestation, le gouvernement a rapidement tenté d'apaiser les tensions. Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, a déclaré mercredi 20 novembre : « On se réserve le droit d'interroger la pertinence de cette mesure dans quelques mois, lors d'un point d'étape ». Elle a assuré que le gouvernement « entend l'inquiétude et le questionnement » que cette hausse d'impôt « peut susciter ».

Le gouvernement a annoncé le lancement d'une « consultation flash » avec les parlementaires et les collectivités territoriales, en particulier les associations d'élus locaux. Cette consultation aura pour but « d'examiner les évolutions nécessaires » de la taxe foncière « pour la rendre plus transparente, plus claire et plus équitable, dans une logique de simplification ».

Toutefois, cette concertation annoncée après coup est perçue par certains élus comme une « fausse manœuvre ». Sylvain Grataloup, président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), fustige : « Bercy a décidé de présumer que tous les biens ont ces éléments de confort et indirectement de présumer que les propriétaires concernés sont de mauvaise foi en n'ayant pas déclaré ces éléments ». L'UNPI avait dénoncé dans cette hausse « une démarche arbitraire et honteuse », « décidée sans transparence ni concertation ».

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a même ouvert la porte à un possible abandon de la mesure, déclarant : « Si les élus veulent faire différemment, nous le ferons. Je ne veux pas de polémique inutile, on avance ».

Implications pour les propriétaires

Les propriétaires n'ont aucune démarche à accomplir dans l'immédiat : l'administration agit d'office. Cependant, début 2026, un courrier général sera envoyé aux propriétaires concernés. En juin, un document résumant l'opération dans le détail sera disponible dans l'espace particulier des contribuables sur impots.gouv. Ces derniers auront jusqu'à fin juin pour contester la présence des éléments de confort et le calcul afin qu'ils ne soient pas pris en compte dans la taxe foncière de 2026, qui sera envoyée entre septembre et octobre.

En cas de désaccord, « les propriétaires dont les logements ne seraient réellement pas équipés de ces installations pourront tout à fait contester leur imposition de taxe foncière et obtenir des dégrèvements correspondants », assure la DGFiP. Si la contestation intervient après la date limite, il sera toujours possible d'obtenir un dégrèvement ou un remboursement.

Pour vérifier le détail de leur situation, les propriétaires peuvent demander l'imprimé 6675-M auprès de la Direction générale des finances publiques via leur espace personnel des impôts et la messagerie sécurisée. Ce document regroupe notamment la surface au sol, le standing du bien, son environnement, ainsi que le détail des fameux éléments de confort.

Sur le plan juridique, cette situation soulève une réflexion profonde sur l'équité fiscale : taxer des équipements aujourd'hui banals et indispensables comme s'ils représentaient une « plus-value de confort » pose une problématique de soutenabilité, particulièrement dans un contexte économique marqué par l'inflation et la stagnation du pouvoir d'achat.

Un contexte économique difficile

En dix ans, de 2014 à 2024, la taxe foncière a bondi de 37,3 %, deux fois plus que l'inflation. Dans certaines villes, les hausses ont été encore plus spectaculaires : à Tours, la taxe foncière a augmenté de 44,15 % entre 2014 et 2024, tandis qu'à Orléans, une hausse de 39,82 % a été constatée sur cette même période.

Cette nouvelle hausse intervient dans un contexte où de nombreux ménages, notamment les retraités propriétaires, sont déjà fragilisés par l'inflation persistante et la hausse du coût de l'énergie. Pour ces foyers, souvent non imposables à l'impôt sur le revenu, cette augmentation de 63 euros en moyenne peut représenter un effort significatif, les contraignant parfois à puiser dans leurs économies ou à arbitrer sur des dépenses essentielles.

À retenir

Cette révision s'inscrit dans un cadre de mise à jour du système fiscal immobilier qui n'avait pas été modernisé depuis plusieurs décennies. Elle rappelle que les critères de calcul de la taxe foncière, fondés sur les valeurs locatives cadastrales, semblent eux-mêmes nécessiter une réforme plus complète et cohérente avec la réalité contemporaine du parc immobilier français.

Face à la mobilisation politique transpartisane et à la grogne des associations de propriétaires et d'élus locaux, l'avenir de cette mesure reste incertain. Le gouvernement devra trancher lors du point d'étape promis pour début 2026, dans un contexte où les élections municipales de mars 2026 se profilent déjà à l'horizon.

En attendant, pour 2026, de nombreux propriétaires devront anticiper une hausse probable mais contestée de leur impôt foncier, tout en restant vigilants quant aux possibilités de contestation qui leur seront offertes.